Procrastination : un art à part entière

par

Proca… pocra… porcra… quoi ??

Quel dommage… c’eut été trop beau pour être correct ! Car si “crastinus”, en latin, se traduit par “demain”, il eut été amusant de conclure qu’en lui rajoutant simplement un petit “pro”, l’on puisse ainsi certifier qu’il s’agisse ici simplement d’être un véritable professionnel du lendemain !

Que nenni, puisque “pro”, également en latin, signifie simplement “en avant”. Qu’à cela ne tienne, puisque l’idée de base est tout-de-même là ! A savoir : demain, qui est donc un autre jour.

La procrastination est un art. L’art de reporter. L’art d’éviter. L’art de remettre au lendemain. L’art de ne pas faire. Et parfois (souvent ?), l’art de ne jamais faire.

Car en effet, dans la mesure où “crastinus” signifie donc “demain”, le procrastinateur peut facilement se croire sauvé, alors que son report de l’action n’ira donc pas plus loin…

Oui mais… s’il procrastine une nouvelle fois au cours de ce fameux ‘demain’, le processus recommencera, encore et encore… Et donc : never ending story !

Comment se sortir de ce cercle souvent vicieux, parfois infernal ?

Un ancrage bien profond dans la société… et plutôt récent !

Différence et souffrance de l’adulte surdoué

Dans son livre “Différence et souffrance de l’adulte surdoué”, Cécile Bost évoque un autre syndrome que celui – bien connu – de l’imposteur : le syndrome du ‘vainqueur potentiel’, source d’effectives contre-performances induites par la procrastination.

Il s’agit alors de louvoyer entre

  • certitudes initiales du type “Je peux le faire !”,
  • questionnements intermédiaires du genre “Et si je le faisais plus tard ?”,
  • et incertitudes finales du style “Comment vais-je y arriver ?” (avec pour corollaire une indéfectible et profonde atteinte de l’estime de soi).

Tel le mathématicien qui résout fièrement son équation à double inconnue, c’est en définitive avec dépit que le procrastinateur déroule alors le tapis rouge vers un profond mal-être.

Problème : au fil du temps, de nombreuses études scientifiques tendent à démontrer qu’environ 20% de la population active montre des signes (inquiétants ?) de procrastination chronique. Et la tendance s’amplifie ! Ainsi, certains sondages réalisés en 1978 indiquaient que seuls 5% de la population admettait procrastiner régulièrement. De nos jours, le chiffre dépasserait 25%…

Immobilisme, quand tu nous tiens…

A moins que ?

Profusion de choses

Restons-nous parfois effectivement et réellement immobiles, inactifs ?

“Burn-out”. Un terme devenu presque aussi banal que… “Haut Potentiel” ! Question de mode, peut-être… de tendance… voire même d’appartenance, ou de reconnaissance.

Quoi qu’il en soit, ce fameux burn-out ne trouve finalement sa source qu’au sein d’un seul et unique phénomène : l’accumulation, principalement de stress.

La chose est vicieuse, puisque s’installe sournoisement dans la durée, sans que le sujet frappé ne s’en rende forcément compte. Conséquence : tel le moteur d’une fusée qui s’éteint subitement, faute de carburant (ce que l’industrie de l’aérospatiale nomme un… burn out !), la machine humaine s’arrête net, sans prévenir.

Stress professionnel, certes. Mais pas uniquement. Car force est de constater que dès le lancement du premier iPhone en 2007 par le génial Steve Jobs, un nombre soudainement grandissant d’individus – aux moyens financiers certes confortables – se sont retrouvés du jour au lendemain avec le Monde dans leur poche ! Résultat : information illimitée accessible en tout lieu, à toute heure.

Premier iPhone
Instagram

Pire encore : très rapidement, d’autres génies tels que Mark Zuckerberg, Reid Hoffman, Jack Dorsey et autre Kevin Systrom (pour ne citer qu’eux – n°1) ont créé les désormais incontournables réseaux sociaux Facebook, LinkedIn, Twitter ou encore Instagram (pour ne citer qu’eux – n°2), l’ensemble décuplant de manière exponentielle l’échange de cette fameuse information entre le plus grand nombre. Et que dire des Google, Yahoo et consorts qui, quant à eux, offrent des milliers de réponses à une simple requête, en à peine quelques secondes……

Et ce n’est pas fini ! Fortes de leur simplicité d’utilisation (et des innombrables sources de profit potentiel, non seulement pour leurs créateurs, mais aussi pour leurs utilisateurs qui les exploitent à bon escient), ces plateformes ont copieusement ouvert la voie au potentiel créatif de tout un chacun, décuplant encore et encore leur utilisation par la création de sites, rédaction d’articles et autres expression de commentaires. Du contenu, du contenu, et encore du contenu, consultable et d’ailleurs largement consulté !

Facebook
Logo LinkedIn

Petite précision : votre serviteur / rédacteur de cet article se situe bel et bien dans la catégorie du parfait amateur et consommateur de ces incroyables outils !

Aucun dénigrement, donc… malgré un appel bienveillant à toutes et tous en vue de tenter de limiter intelligemment leur utilisation au – strict ? – nécessaire. Il s’agit en effet de limiter l’addiction vers laquelle tout un chacun est susceptible de basculer, sous des prétextes tant professionnels que personnels…

L’objectif recherché est alors d’éviter d’alimenter à outrance une certaine… procrastination ! Car si actuellement, “20% de la population active montre des signes (inquiétants ?) de procrastination chronique”, qu’en était-il au temps de l’Homme de Néandertal ? Principalement soucieux de sa survie, ce dernier ne disposait aucunement de cette profusion d’information, source indubitable de distraction et autres déviation de l’attention, berceau idéal de la procrastination… et du burn-out !

Twitter

Origines possibles

Au-delà de ce phénomène de surplus au sein duquel il est désormais tant aisé de se perdre, se mêlent d’autres origines possibles à la procrastination.

Celles-ci se déclinent en deux catégories (quelques exemples) :

Intrinsèques

Indécision, manque de confiance en soi

Parfois couplée à une réelle anxiété, le manque de confiance en soi mène facilement à l’indécision, l’hésitation… et le report de décision.

Manœuvres d’évitement

Toutes les – fausses – excuses fusent alors ! Il s’agit de prétendre un indispensable besoin d’informations additionnelles, d’espérer de bien meilleures idées à venir, ou encore, de justifier un indiscutable manque de temps immédiat, …

Sensibilité, voire aversion pour la tâche à effectuer

L’envie n’y est pas ? La voie vers le report est largement ouverte !

Méthode Coué, ou…

… l’autosuggestion de potentielles difficultés, qui n’existent pourtant pas ! Il s’agit alors de s’autopersuader que le chose est impossible.

etc…

Extrinsèques

Délai

Un délai éloigné, parfois fixé par autrui, ôte tout sentiment d’urgence, voire même de nécessité… jusqu’à ce que ce même délai (qui n’a bien entendu pas évolué) soit devenu “soudainement” très proche !

Il apparaît en outre que la tendance générale à la procrastination se renforce considérablement lors de projets pour lesquels aucun deadline précis n’est fixé.

Imprévus et imprévisibles

Certains évènements qui ne pouvaient être anticipés peuvent aisément venir alimenter la propension à vouloir reporter, remettre à plus tard.

Exigences exacerbées d’autrui

Les “coupeurs de cheveux en quatre dans le sens de la longueur” sont des incitateurs indéfectibles à la procrastination. Leur perfectionnisme impose souvent des règles inadaptées, voire inutiles, apportant de fréquents retards à la réalisation de certaines tâches, propres ou d’autrui.

etc…

Les conséquences

Au niveau personnel, le procrastinateur connaîtra trois phases principales :

Soulagement à court terme

Anxiété à moyen terme

Panique à long terme

En définitive, l’exécution de la tâche concernée se fera quasiment systématiquement sous la pression. Parfois, cette apparente nécessité est d’ailleurs revendiquée par quelques-uns pour atteindre un certain niveau d’efficacité.

Quant à l’environnement, il s’en retrouve forcément affecté. Puisqu’il existe en définitive de grands risques de retards, voire de projets finalement non-aboutis, la perte de confiance de la part d’autrui est toute proche.

Femme déçue

Au-delà du manque de respect alors potentiellement ressenti, les reproches peuvent aisément pleuvoir sur le procrastinateur, auquel on attribuera facilement la perte des opportunités qui s’offraient alors, et qui n’existent désormais plus.

Quid au niveau Haut Potentiel?

Certaines caractéristiques préexistantes dans le mode de fonctionnement ‘Haut Potentiel’ favorisent indéniablement la procrastination.

Confiance en soi

Le sujet à Haut Potentiel ne s’accorde généralement que trop peu de confiance en lui-même. Cette tendance nourrit le doute, et donc l’immobilisme.

Impatience

Généralement impatient, l’individu Haut Potentiel cherchera souvent à atteindre une satisfaction immédiate. Le cerveau va vite, et donc, tout doit aller vite…

Or, démarrer une tâche qui ne rapporte pas une satisfaction (presque) immédiate se révèle réellement problématique. Le HP le sait, le sent, et ne sera dès lors que très peu motivé à démarrer ce qui devrait pourtant l’être.

Relation avec les autres

Souvent touché par le syndrome de l’imposteur, on s’engage alors pour faire plaisir, pour satisfaire l’autre, sans toutefois mesurer forcément l’implication qui sera nécessaire.

Dès l’instant où une certaine clairvoyance se met en place, l’ampleur des dégâts apparaît, avec pour résultante, une détérioration des relations avec les autres.

“Le mieux est l’ennemi du bien”. Et dans le cas présent, cet adage se confirme au plus haut point. En effet, la perpétuelle recherche de perfection joue forcément en défaveur d’une réalisation globale et aboutie immédiate.

L’objectif recherché est donc perpétuellement différé, renforçant ainsi le report de tâches encore à réaliser.

La réception tant perpétuelle qu’involontaire d’une importante quantité d’informations diverses et variées, ainsi que de leur traitement, implique forcément une multitude de nouvelles possibilités, voies potentielles à emprunter, ou options à envisager.

Chacun de ces éléments vient alors subrepticement nourrir cette procrastination, déjà latente.

Raisonnement global

Dans la continuité de l’hyperactivité cérébrale, la pensée en arborescence et les connexions multiples du cerveau de la personne à Haut Potentiel l’emmènent aisément vers des recherches bien au-delà du nécessaire, du raisonnable. La tâche s’en retrouve – inutilement – amplifiée, ce qui accentue encore davantage la possibilité de procrastiner. Nouveau cercle vicieux…

La première induit la seconde. La crainte de l’hypothétique s’en retrouve renforcée. Et sans certitude de l’avenir, la tendance à reporter les tâches à réaliser se renforce.

La procrastination : toujours nocive ?

La situation de report justifié sur base de décisions rationnelles diffère de la procrastination qui, quant à elle, reste irrationnelle.

Toutefois, reporter – même irrationnellement – peut parfois se révéler utile et positif.

Quelques exemples choisis :

Amélioration de la vie sociale

Reporter certaines tâches à plus tard ouvre des disponibilités, dont pour de nouvelles rencontres.

Meilleur équilibre des intérêts

Se détourner de tâches peu intéressantes offre parfois la possibilité de se consacrer davantage à d’autres, plus valorisantes et gratifiantes.

Meilleurs aboutissements et résultats

L’un des aspects de la ‘procrastination intelligente’ consiste à attendre, dans le seul but de s’offrir la possibilité de rassembler davantage d’informations en vue d’obtenir un meilleur résultat final.

Nouvelles découvertes

Les réseaux sociaux et Internet poussent à se détourner des tâches quotidiennes, et donc, à procrastiner. Mais ces supports offrent aussi de nombreuses possibilités de nouvelles découvertes, enrichissantes et même valorisantes.

Jouissance du moment présent

Reporter à moyen ou long terme implique de disposer de davantage de temps à court terme. Sans pour autant rejoindre le phénomène de la perpétuelle poursuite du futur, procrastiner offre donc parfois l’opportunité de mieux jouir du moment présent.

Une question de choix…

Question de choix

Passer de l’irrationnel au rationnel est en définitive une simple question de choix. En effet, aucun procrastinateur avéré ne peut prétendre ne pas entendre sa perpétuelle petite voix intérieure qui, à l’instant où il procrastine, lui souffle secrètement à l’oreille : “Tu sais très bien ce que tu es en train de faire… ” !

Facile ? Pas pour autant. D’où la nécessité de connaître et d’appliquer quelques petits trucs et autres astuces en vue de se défaire, même partiellement, de cette habitude parfois bien ancrée.

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